Comme vous le savez peut-être, je suis passionné par l’étude du fonctionnement humain.
À ce titre, j’ai eu l’occasion de suivre bon nombre d’enseignements de sagesse, que cela soit avec des spécialistes des sciences humaines, mais aussi des philosophes ou sages empreints de spiritualité (chamanes amérindiens, des moines tibétains, yogis…).
Mon enseignant bouddhiste principal Lama Zopa s’est engagé toute sa vie à préserver les êtres sensibles. Après son décès le 13 avril 2023, durant 49 jours, les étudiants qui sont reliés à lui effectuent des pratiques de méditation pour l’accompagner dans les états transitoires que sont les « bardos » afin que dans une autre incarnation, sous une autre forme manifestée, le maître puisse revenir enseigner le Dharma. Je me suis toujours senti profondément connecté à l’enseignement du Dharma et à Rinpoché. J’ai toujours été marqué par sa capacité presque hypnotique à transmettre des enseignements complexes en les rendant simples et accessibles pour les mettre en œuvre dans notre quotidien. Rinpoché se montrait toujours disponible pour offrir de son temps et de sa présence pour soulager la souffrance des êtres. J’entends encore son rire si communicatif et fédérateur.
Ce fut un honneur quand Rinpoché accepta de participer à la préface de mon 2ème livre « Recruter, manager et coacher par les valeurs et le sens » où il aborde la notion fondamentale du professionnalisme véritable qu’est celui du travail intérieur.
Au bout du 49ème jour, je ressentais un amour inconditionnel profond et beaucoup de gratitude. En recueillement, sous forme de retraite solitaire, je me rends sur une plage pour méditer, puis dans un restaurant adossé à l’écolodge où je suis hébergé. Le serveur m’installe à côté d’un aquarium rempli de langoustes et de crabes qui sont prélevés pour être cuisinés à chaque commande. J’observe les enfants qui s’émerveillent innocemment devant l’aquarium en s’écriant « Waouh, ils sont vivants ». De mon côté, comme à mon habitude, je commande un plat végétarien. Durant tout le repas, je sens mon cœur qui me souffle « achète-les et libère-les ». Je souris en pensant à cette inspiration comme un clin d’œil de Lama Zopa qui a consacré toute sa vie à libérer des animaux destinés à la mort. Pour vous dire, je l’ai déjà vu s’arrêter dans la rue pour souffler les mantras à des chèvres en les sauvant de l’abattoir, ou demander à mettre des pancartes alertant un passage de fourmis afin d’éviter de les écraser. En dinant, j’observe la plage et le rivage très proche. Seulement 20 mètres séparent la prison de l’aquarium de la liberté retrouvée.
Dans le menu, je note que la vie animale est de 90 € le kilo. Je me sens triste.
Activant mes neurones d’ingénieur rebelle, je réfléchis à l’estimation du poids contenu dans cet aquarium et au montant que je pourrais potentiellement investir pour les sauver. Mon cœur de gamin sautille sous l’influence de cette pensée altruiste. Puis, je prends un recul réflexif sur nos vies d’adultes : « Nous travaillons pour un salaire, pour de l’argent. Que faire de mieux de cette énergie qu’est la vie transformée en travail si elle ne retourne pas à préserver le vivant ». Je me sens connecté à Lama Zopa et mon cœur aligné avec cette idée d’investir dans la préservation de la vie.
J’interpelle la serveuse et je m’excuse en préambule , « Vous allez me prendre probablement pour un fou. Je suis bouddhiste. La vue de cet aquarium me rend vraiment triste. Je m’interroge sur le prix de la vie dans l’aquarium ». La serveuse me regarde les yeux écarquillés. Je poursuis, « Concrètement, j’aimerais savoir s’il est possible d’acheter le contenu de l’aquarium pour libérer ces animaux ». Elle reste figée ébahie. Je poursuis en riant, « Oui, demandez au gérant s’il a un seau assez grand pour que je puisse les transporter jusqu’à l’océan. Il est sur le point de faire sa plus belle vente de la soirée ». Elle part en cuisine bouleversée. Elle revient en me disant les prix de chaque espèce s’estiment au kilo.
Je lui explique que je suis ennuyé car j’aimerais acheter tout le contenu de l’aquarium mais que par contrainte budgétaire, je vais devoir choisir. Je me sens triste. Je lui demande qu’elle prévienne la cuisine que j’achète 5 ou 6 pièces et qu’il me faudrait un seau assez grand pour les transporter.
En lieu et place de la serveuse, c’est le gérant qui s’approche de moi et m’interpelle.
Voici l’essence de notre dialogue :
- « Monsieur, je ne vous vendrai pas ces langoustes »
- « Je ne comprends pas. Elles sont à vendre pourtant »
- « Monsieur ces langoustes sont faites pour être consommées sur place »
- « Je souhaite simplement acheter ces langoustes pour les libérer. Je suis prêt à payer pour cela »
- « Monsieur, je repète. Ces langoustes sont faites uniquement pour être cuisinées et consommées sur places »
- « Mais monsieur, je ne comprends pas. Cela me semble fou. Ces langoustes sont à vendre mais vous refusez de me les vendre pour les ramener dans leur habitat à 20 mètres »
- « Oui, ces animaux sont faits pour être consommés sur place. Je ne sais pas ce que vous allez en faire »
- « Et bien je vous le dis. Je vous paye le prix demandé puis je vais marcher jusqu’à l’océan pour leur rendre leur liberté »
- « Je ne peux pas Monsieur. Qui me dit que vous allez faire cela ? »
- « Et bien, c’est assez simple. Je vais payer par carte. Puis, je vais transporter le seau jusqu’à l’océan. Je vais réciter quelques mantras et vider le seau dans l’océan. Vous comprenez ? »
- « Ces produits sont faits pour être consommés sur place »
- « Je ne comprends pas. Vous me dites que je peux vous acheter cet animal mais que vous me le vendez mort pour que le mange, mais que je ne peux pas vous acheter cet animal pour ne pas le manger et lui laisser la vie, c’est bien ça ? C’est à marcher sur la tête non ? » (en ressentant de la colère et un besoin de comprendre)
- « Je n’aime pas la tournure que prend cette conversation. C’est vous qui êtes fou »
- « Je veux simplement comprendre. Expliquez-moi » (en ressentant de la colère face à mon impuissance à sauver une vie et de la compassion pour ce marchand pris au piège d’un système)
- « Vous savez. Ces bêtes sont traitées. Il y a des normes sanitaires qui m’en empêchent. De plus, elles ne peuvent plus survivre dans l’océan. Elles mourraient tout de suite.»
J’ai envie de répondre : « Entre une mort certaine et une vie potentielle. Mon choix est fait. J’ai presque envie de tenter… » mais j’observe le restaurateur ennuyé, agacé et mal à l’aise. En lieu et place, je le remercie pour cette explication. J’exprime qu’il ne fait pas un métier facile. Je verbalise aussi que je me sens triste pour ces bêtes. Je récite quelques mantras et je me dirige vers la plage pour méditer. Des larmes coulent sur mon visage face à l’absurdité du monde.
Je ressens plusieurs sentiments ambivalents :
- La honte car je me sens décalé et jugé par les clients du restaurant (ma précieuse communauté humaine) en ayant choisi de suivre l’impulsion d’un comportement que je juge noble en lien avec mes valeurs et mon éthique. La tristesse car j’aurai souhaité sincèrement sauver ces animaux d’une mort certaine.
- La colère face à l’absurdité d’un système où les normes et les codes culturels ne permettent pas de valoriser la valeur de la vie par rapport à la valeur de la finance. Le vivant est considéré comme une ressource monétisable au lieu de simplement respecter sa beauté, sa diversité et son existence.
La dissonance cognitive quant-à-elle se produit quand nous réalisons une action en opposition avec notre système de croyances. Alors, le plus souvent, nous avons plusieurs options : soit ajuster la réalité pour que l’événement s’adapte mieux à nos cognitions, soit d’éviter le stimulus source de dissonance. Face à moi, j’ai donc l’option de fuir la plage et le restaurant et le lieu où je suis hébergé, ou de transformer la réalité de l’évènement.
Je décide d’appeler une amie professionnelle Sophie, elle aussi très sensible et engagée envers la préservation du vivant. J’observe que cet élan est celui de la reliance avec des pairs soutenant ce mode de fonctionnement et la volonté d’engagement pour l’environnement. Aussi, inconsciemment à rebours, je m’aperçois que cette connexion n’était pas neutre car j’ai appris le décès de Lama Zopa lorsque j’étais en déplacement en train avec Sophie. Une boucle de clôture.
Puis, dans un 2ème temps, je décide d’utiliser la rationalisation (qui est probablement une défense pour mon enfant intérieur) pour me connecter à une valeur encore plus grande qui est celle de la croissance intérieure, de la recherche d’amour altruiste inconditionnelle, de la sagesse, du sens et de la valorisation du vivant.
Tout d’abord, dans le restaurant, mon élan initial émane de la croissance intérieure en connexion avec la compassion et la sagesse de mon lama bouddhiste et l’universalisme en lien avec la préservation du vivant.
Puis, lors de l’échange avec le restaurateur, je souligne les incohérences du discours sous l’influence de ma valeur de liberté. Mon esprit rebelle s’éveille.
Puis, sous l’influence de ma valeur de bienveillance, j’évite d’entrer en conflit en l’acculant dans ses incohérences. Je tente de faire preuve de compréhension en adoptant le cadre de référence du restaurateur devant respecter des consignes et des normes et ayant peur de représailles potentielles.
Voici donc la sagesse des langoustes qui se manifeste dans cet article de blog. Si elles pouvaient parler, peut-être vous diraient-elles à leur manière « Écoute ton cœur d’enfant. Suis tes valeurs. Ose. Engage-toi. À défaut de transformer le monde, peut-être que tu transformeras ton monde intérieur. »
À rebours, je me sens rempli de gratitude pour cette expérience apprenante qui permet :
- De re-valider par l’expérience la priorité de mes valeurs : 1. Croissance intérieure 2. Universalisme 3. Liberté 4. Humanisme 5. Bienveillance, et d’observer par la pratique leur réagencement lorsque des conflits apparaissent dans notre quotidien. À ce titre, avez-vous passé l’assessment HOVTA ® pour révéler vos valeurs et talents
- De calibrer avec finesse les valeurs de mes interlocuteurs en analysant leurs propos, leurs arguments mais aussi les émotions traduites par leur paraverbal et leur non-verbal. Ainsi, probablement que ce restaurateur est porté par des valeurs de sécurité, de stabilité, de liberté, d’hédonisme et d’accomplissement. Ce fut en quelques sortes une révision intensive des contenus de mon livre sur l’hypnose conversationnelle et la communication hypnotique.
- De clarifier la signification des sentiments de culpabilité et de la honte : la culpabilité est liée à la transgression de ses codes intérieurs en lien avec des valeurs, tandis que la honte est liée au jugement extérieur, au regard de l’autre sur ses comportements transgressifs vis-à-vis de la culture du groupe d’appartenance.
- De ressentir la puissance sous-jacente à l’alignement intérieur comme source de courage et d’engagement.
- De ressentir la force de l’amour inconditionnel et de la connexion à quelque chose de plus vaste que soi que l’on peut appeler Cosmos, conscience, divin et que l’on porte aussi en soi.
- De constater que s’entourer d’hommes et de femmes congruents et engagés est à la fois soutenant, inspirant et porteur d’énergie pour aller encore plus loin sur ce chemin. Ainsi, un leadership Jedi inspirant et inspiré porté par des valeurs et une éthique forte peuvent émerger en s’appuyant sur une tribu d’artisan du changement. Ces hommes et ces femmes, s’engagent à leur mesure, au quotidien, tels des colibris qui s’attaquent à épancher l’incendie de la forêt. Chacun à sa manière fait de son mieux. Et, se sentir, reliés, connectés nous invite à poursuivre ce chemin d’engagement. Le changement de paradigme passe par le collectif.
- De me rappeler l’influence des stades organisationnels développés par Clare Graves. Un paradigme ne change que lorsque l’homme est confronté aux transformations de son environnement géographique, politique ou historique. Lorsque ses valeurs, ses croyances et ses modes de pensées montrent des incohérences et ne permettent plus de faire face aux défis de l’existence, alors de nouveaux modes de pensées apparaissent. Clare Graves décrit les VMèmes comme des niveaux d’existence bio-psycho-sociologiques dont découlent nos systèmes de valeurs. De manière pratique, VMèmes signifie « Value meme » ou « système of values Meme » ou « core intelligence ». Chaque VMème est un paradigme, c’est-à-dire une représentation du monde, un courant de pensée qui oriente collectivement les croyances et les comportements des groupements humains en fonction des époques et des challenges auxquels ils sont confrontés. Ainsi, comme notre ADN définit nos caractéristiques physiques et se transmet par la reproduction et les gènes, les VMèmes définissent les caractéristiques psychosociales et nos modalités organisationnelles. Vivement que nous basculions pleinement dans le stade violet lié au sens et à l’engagement envers l’environnement et le vivant, non ?
- De constater que, dans une perspective anthropocène, notre système est devenu incohérent. Par confort et par sécurité, nous préférons appliquer des normes décalées du bon sens, sans les questionner. Nous percevons le vivant comme une ressource exploitable, infini et monétisable. Nous oublions que nous vivons dans un monde fini. La mère terre nous le rappelle par le dérèglement climatique.
- De continuer à m’engager à préserver le vivant et la sagesse autant que je le peux, à avec humilité et à ma mesure, car ces sujets restent bien plus vastes que moi.
Ce soir, je me sens impuissant et plein d’amour. J’ai appris l’humilité.
Ce soir, je me sens triste et toutefois rempli d’amour envers la Terre, le vivant et les hommes et femmes qui s’engagent au service de causes plus vastes qu’eux-mêmes. J’ai appris la connexion.
Ce soir, sous ce ciel parsemé d’étoile, en écoutant le chant de l’océan, je me sens infiniment petit. J’ai appris la compassion envers moi-même.
Je repense à cette métaphore d’un enfant indien qui rejette à l’océan des étoiles de mer jusqu’à s’épuiser. Un adulte l’interpelle et lui dit « C’est inutile. Regarde, il y en a tant au sol. Tu ne pourras pas toutes les renvoyer dans l’océan. Ça ne sert à rien ». Et l’enfant le regarde sans interrompre son geste « Bien sûr que si. Pour celle-ci cela fait toute la différence ».
Ce soir, mais aussi demain, et après-demain, puissions-nous avoir le courage de contribuer à notre mesure à faire cette différence pour le vivant mais aussi pour les causes qui nous semblent justes, aussi grandes soient-elles. Ces causes reflètent nos valeurs profondes et donnent du sens à notre existence.
Le soir même, Sophie me conseillait de regarder le documentaire « Seaspiracy » que j’ai trouvé pertinent et bouleversant comme l’est « Dominion » et « Cowspiracy ». Au matin, encore estomaqué par ce visionnage, en me rendant au petit déjeuner, dans le restaurant attenant à l’hôtel, j’ai pu découvrir que l’aquarium avait été vidé et recouvert d’une nappe opaque et que la table accostée que celui-ci avait été déplacée. Même si je ne suis pas certain que l’échange ait eu l’effet escompté, pour sûr que le malaise co-créé dans la relation avec le restaurateur avait provoqué ce réagencement nocturne. « Masquer la souffrance ne signifie pas l’éradication de la souffrance » pensais-je. Je bu la première gorgée de mon café en regardant l’océan.
Je me rappelle d’un texte que j’avais lu il y a bien longtemps et dont je peine à me souvenir l’auteur et qui en substance disait ceci : « À 20 ans, nous souhaitons changer le monde. À 40 ans, c’est le monde qui nous transforme. À 60 ans, nous percevons enfin que la seule chose que nous ne pouvons changer dans la vie, c’est nous-même ».
Sincèrement, je ne sais comment nous pouvons sortir de ce paradigme. Mais, je me sens confiant envers la puissance du vivant pour transformer nos cœurs et nos esprits. Je me sens infiniment reconnaissant envers la vie et sa diversité.
Puisse l’amour prévaloir. Puissions-nous avoir le courage de suivre nos impulsions sous l’influence de la sagesse spontanée de notre enfant intérieur.
À ce titre, avez-vous visionné notre conférence « comment guérir son enfant intérieur » co-animé avec la psychologue Elisa Vernet ?
Pour changer, nous n’avons pas forcément besoin de marcher sur des braises tous les jours pour dépasser nos croyances limitantes mais simplement de porter un regard différent sur ce que nous propose la vie en assumant notre propre part de responsabilité dans la co-création de l’expérience.
Et si vous êtes déjà prêt à amorcer ou poursuivre votre travail intérieur (qui est la seule attitude professionnelle durable) avez-vous écouté nos MP3 d’hypnose en accès libre sur le sujet de l’enfant intérieur et de l’harmonisation du féminin et du masculin intérieur ?
Je vous souhaite une belle transformation intérieure.
Namasté.